Contines

Les trois lapins. 

  

Sur un chemin jonché de pommes de pin,

Se promenaient trois petits lapins.

Le premier, étourdi comme un jeune cabri,

Ne savait plus très bien où était son abris.

Le deuxième, coquet comme une fille,

Se mirant dans l’eau, en oubliait de suivre.

Quant au troisième, fier comme un arriviste,

Il tenait si haute sa tête,

Qu’il en prit un torticolis.

 

Au bout de quelques promenettes,

Les trois frères avaient perdus le nord

De leur boussolette.

Le premier dit : Je vous le dis, c’est par ici, C’est par ici,

Même si, il n’en savait nénni.

Le second dit : L’écoutez pas, c’est par là bas, C’est par là bas,

Même, s’il ne le savait pas.

Le dernier dit : Je n’en sais rien,

Je n’en sais rien,

L’est bien un fait, c’est qu’il ne le savait point !

 

De baladette en baladette,

Ils tournicotaient, tournicotaient

Et d’aucun ne pouvait point,

Trouver son chemin.

 

Conseil fut pris auprès d’un sage,

Qui passait par là.

« Perdre sa route, dans un bel après midi ?

Pas de doute, pas de doute,

Voilà trois têtes bien lourdes !

Pour un peu d’aide, donnez moi un indice ? »

Lapin étourdi dit : « Là d’où je viens,

Un papillon voletait. »

Lapin coquet dit : « Là d’où je viens,

Il y a une mare ou je me mirais. »

Lapin arriviste dit «  Là d’où je viens,

J’ai fait des affaires.... des affaires... »

Surpris par tant de bêtises,

Le sage secoua la tête et reprit :

« Comment voir le chemin,

Quand on est replié sur son nombril.

Faites donc un peu de gymnastique !

Etirez vous, dépliez vous,

Regardez à l’horizon et dégagez le menton.

 

Soudain, chacun des trois gamins,

Découvrit pour la première fois :

Le chemin joyeux dans la prairie

et les arbrisseaux aux feuillages fleuris.

Les oiseaux siffleurs aux airs enchanteurs,

Et les souris coquines, glissant dans l’herbe fine.

Le vent du Nord à l’air aquilin

Et le Zéphir à la brise digne.

Et tout là bas, là bas,

Au détour du chemin rieur,

Au pied d’un arbrisseau fleuri

Où jouaient des oiseaux chanteurs,

Une souris coquine glissait dans l’herbe fine,

Bercée par le vent du Nord.

 

Là, se cachait l’entrée d’un terrier

D’où surgit dame lapine,

Qui pointait son doigt vers l’horizon,

Où déambulaient ses trois fistons.

 

 

Si j’avais 18 ans

 

Si j’avais 18 ans,

Je réécrirais la ronde du monde,

En semant des tapis de fleurs

Dans l’océan de mes nuits blanches.

Je dégagerais le seuil des châteaux

Où rêvent les belles endormies,

Afin qu’elles ouvrent leur coeur,

Au chevalier étourdi.

 

Si j’avais 18 ans,

Je partirais à l’assaut

Des barricades de papier,

Armée d’un mât de Cocagne

Aux couleurs de rêves,

Déroulerais un tapis de lumière,

Pour que les chimères

S’évanouissent en un éclair.

Je renverserais les usages,

Pour dérouter les biens pensants,

Et crierais à la cantonade

Mon dédain pour le pouvoir,

Dont se gargarisent tous les grands.

 

Si j’avais 18 ans,

J’ exigerais des comptes

A tous ceux qui ont construit mon monde,

Pour qu’ils justifient,

Ce qui a motivé leur inclination.

Je redirais mon amour,

A mon père, à ma mère,

Leur demanderais

De me donner la clé de leurs secrets

Pour qu’ils m’en délivrent à jamais.

Enfin j’ouvrirais la porte et je m’envolerais.

 

 

Au pas de l’âne.

 

Sur la route du Pas de l’âne,

J’ai rencontré un homme de Loi.

Avait-il le droit de douter de moi ?

Toujours est-il qu’il le fit tout de guoi.

 

-« Où allez vous mon brave »

Entonna-t-il   d’une voix grave ?

« Pour un pâtre,

Vous semblez bien pressé

De passer le gué. »

 

-« Ma foi, répondis je,

Les pâtres ont-ils besoin d’un permis

Pour courir par ici.

Faut-il être homme de lettres

Pour revendiquer le privilège

De se hâter sur cet itinéraire ?»

 

L’homme fut irrité par ma réponse alerte,

Et me toisa encore une fois.

 

- « Enfin, Monsieur,

Quelle insolence

Redites moi

Ce qui vous fait courir là ? »

 

« Ah ! Vous avez bonne mine !

lui répondis je.

Devinez, devinette, mon bel ami....»

« Ce que dans ce bosquet fleuri,

Je vais faire d’une si vive conduite .......?

 

Pourquoi voir tant de mystères, là où il n’y en a guère !......

 

 



La girafe et l’éléphant



 

Dans un pays très loin d’ici,

Vivaient en grand secret une girafe

et un éléphant.

Mes enfants

Si vous saviez comme ils s’aimaient.

Pourtant leur histoire

Avait fort mal commencée :

 

La girafe, un peu snobinarde,

Toisait tous ceux qu’elle rencontrait.

« Je suis la plus grande, je suis la plus belle,

Je domine le monde

Du haut de ma taille élégante,

Poussez vous de là,

Moi, la reine girafe, je passe. »

Un jour sans histoire,

Alors qu’elle allait en grande pompe,

Elle rencontra un éléphant

Qui à son chemin s’opposa.

« Oh là pachyderme, ôtes toi de là,

Ne vois tu pas à qui tu as à faire ?

Je suis dame girafe,

La plus grande, la plus fine, la plus belle,

Sors de ma route et n’y reviens jamais ! »

A ces mots, l’éléphant s’esclaffa :

« La plus belle ? Toi ?

Maigre comme un fromage sans sel ?

Je n’ai jamais rien entendu

D’aussi grotesque.....

Regarde Moi, personne n’est si fort que Moi,

Je suis beau,

Elégant dans ma démarche assurée,

Oses seulement à Moi, te mesurer......»

Il est vrai que notre éléphant

En imposait au monde

Par sa taille si impressionnante

Que jusqu’ici,

Chacun lui cédait le pas sans hésiter.

 

L’affrontement dura.

Aucun des deux compères n’ abdiqua.

Mais cela n’empêcha pas

Le soleil de poursuivre sa route.

Si bien que très vite, la nuit s’imposa.

Nos deux bellâtres,

Commençaient à avoir faim.

Ils durent se rendre à l’évidence,

Plutôt que de se braver

Autant unir leurs compétences.

Dans ce lieu hostile, aucune herbe à la ronde.

Seuls quelques arbustes efflanqués,

Offraient leur plumet de feuilles

Pour le souper.

Dame girafe au cou long agile,

Les cueilla et de bon coeur les partagea.

Sieur éléphant poliment la remercia.

 

 

Alors qu’ils se reposaient,

Attendant le jour pour reprendre leur route,

Un lion qui les guettait

Depuis quelques heures déjà,

Avec appétit, sur la girafe, se jeta.

Monsieur éléphant,

Avec puissance repoussa l’agresseur,

Et la girafe effarouchée,

Dans son giron vint se cacher.

 

Depuis ce jour,

Nos deux prétentieux,

Unirent leurs différences

Pour parcourir ensemble le monde,

Dans la plus grande félicité.

Il ne leur était plus nécessaire de s’imposer Avec véhémence,

Ils appréhendaient la vie avec philosophie.

Leur complicité faisait sourire les imbéciles.

Mais les regards éclairés

Ne s’y trompaient pas 

Ces deux là,

Etaient vraiment faits pour s’entendre.